Les Communes
peuvent refuser |
Même le
médiateur de Radio-France sort de son
rôle : il prend partie pour le compteur Linky et
accuse les opposants d'être des "complotistes"
[Ajout du 21 avril : ce matin, le chroniqueur ultra-libéral Dominique Seux, dont on se demande bien pourquoi il peut impunément utiliser l'antenne du service public pour diffuser ses petites opinions personnelles, a laissé parler sa haine et son mépris : "obscurantisme", "peur panique", théories du complot", il a rejoint la campagne de calomnie décrite ci-dessous et qui sévit sur France-inter et France-info. Pauvre service public.]
Depuis quelques mois, ErDF remplace les compteurs d'électricités par des compteurs communicants de type "Linky". Ce programme doit théoriquement se poursuivre jusqu'en 2021 et, à ce jour, les installations concernent environ 300 communes en France.
Cependant, en quelques semaines, ce sont plus de 100 communes qui ont pris des délibérations contre le déploiement des compteurs communicants. Simultanément, des dizaines de collectifs anti-Linky se sont organisés un peu partout dans le pays.
La plupart des médias, après avoir (logiquement) couvert le lancement massif par ErDF du programme Linky, se sont (tout aussi logiquement) ensuite intéressés à ce mouvement de refus qui ne cesse de progresser.
Ainsi, comme on peut le voir sur le site http://refus.linky.gazpar.free.fr , de nombreux médias publics ou privés ont fait des reportages sur certaines communes engagées dans ce front du refus, et on peut d'ailleurs noter sur France-info une interview de l'auteur du présent texte, qui s'est passée le plus normalement du monde. Jusque là, rien à dire.
Mais, à partir de fin mars, subitement, plusieurs animateurs et journalistes de France inter et France info ont abordé cette affaire d'une façon plus que surprenante, et en tout cas totalement partiale, non seulement en promouvant de façon grossière le fameux compteur Linky mais aussi en développant une campagne malsaine à l'encontre des opposants (dont je fais partie).
En substance, nous serions des gens "inquiets", sujets à des "peurs irrationnelles", mais aussi carrément des complotistes. Or, en réalité, le refus des compteurs communicants est basé sur un travail citoyen sérieux et éclairé, et ne se base donc aucunement sur la "peur", laquelle est de mise lorsqu'on ne comprend pas le problème qui se présente. Or, en l'occurrence, nous ne le comprenons que trop bien (1).
Il est donc parfaitement déloyal de présenter ce mouvement du refus comme celui de gens "inquiets" et, qui plus est, de restreindre les débats à la seule question des ondes électromagnétiques, qui est certes un des points importants du débat mais pas le seul, loin de là. Mais il est vrai que débattre des questions éminemment politiques (au sens noble du terme) que soulève cette affaire ne "colle" par avec la volonté de faire passer les opposants pour des êtres "irrationnels" et "taraudés par la peur".
Première salve le 25 mars avec Anne Brunel de France-inter, dans sa chronique Les légendes du web (2), avec un titre explicite "La fronde anti-linky, nouveau filon des complotistes". Certes, la journaliste n'a pas inventé certains étranges personnages, dont un prédicateur gothique liant les compteurs communicants à la fin du monde, et une jeune fille en larmes qui parle carrément de génocide et de crime contre l'Humanité. Ces personnages ne représentent qu'eux-mêmes, et certainement pas les dizaines de communes engagées, mais le résultat est que, après la chronique, l'auditeur ordinaire croit que les opposants à Linky sont ridicules et irrationnels.
Seconde attaque par Jérôme Colombain le 4 avril sous le titre partial "Compteur Linky d'ERDF : 3 raisons d'avoir peur... ou pas" (3). Non content de décrédibiliser les opposants tout au long de sa chronique, en jouant bien sûr sur la thématique de la "peur irrationnelle", M. Colombain prend soin de conclure en rapportant tel quel le principal argument d'ErDF : le programme Linky permettrait "de faire des économies dénergie, non seulement individuelles mais aussi collectives dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique". Aucune interrogation journalistique face à cette affirmation parfaitement gratuite : une bien belle démonstration de croyance irrationnelle.
Quant aux informations sur nos vies privées, qui vont être massivement collectées par les compteurs communicants, aucun problème selon M. Colombain car "la Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL) a été consultée" et "le client peut sopposer à la transmission de ces données". De toute évidence, aveuglé par toutes les "nouveautés technologiques" dont il fait la promotion à l'antenne, M. Colombain ignore que la CNIL a validé la plupart des atteintes à nos libertés, et que ce qui est promis aujourd'hui pourra être remis en cause demain par un prochain gouvernement : on veut installer de véritables "Big brothers" dans nos logements en nous jurant qu'ils ne serviront pas à nous surveiller et nous devrions y croire ?
Plus fort encore le 12 avril sur France-Inter lors de l'émission Un jour en France (4). Invités en plateau : le directeur du programme Linky, qui a donc eu tout le temps de dérouler ses arguments, et "face" à lui un faux-opposant, chargé de mission à l'UFC que Choisir, qui critique mollement Linky sans s'y opposer et en prétendant même qu'il serait "illégal de le refuser" ! Seul bémol toléré, une (très) courte intervention téléphonique de l'auteur du présent texte, confronté à la partialité évidente du journaliste animateur: l'enregistrement de l'émission permet de le constater, Bruno Duvic m'empêche d'expliquer les raisons du mouvement de refus de Linky et me coupe la parole pour ramener de force la discussion sur LE thème unique que ErDF veut imposer : les ondes électromagnétiques. Car, à nouveau, c'est le thème qui permet de faire passer les opposants pour des gens inquiets aux peurs irrationnelles.
Mais l'on n'avait pas tout vu ni entendu : voilà maintenant carrément le médiateur de Radio-France, Bruno Denaes, qui vient à la rescousse d'ErDF et développe la thèse du complot (5). Dans sa chronique du 16 mars, il sort de son rôle et argumente carrément (de façon erronée d'ailleurs) en faveur du compteur Linky : "Ce compteur est connecté, soit, mais pas en wifi. Donc pas démissions dondes, contrairement à ce que ne cessent de proclamer certains sites."
Mais surtout, le but de sa chronique est clairement de décrédibiliser les opposants : "Des auditeurs inquiets au-delà du raisonnable, on pourrait même dire paranoïaques ( ) Ce qui semble totalement irrationnel, c'est que ce compteur provoque une peur irraisonnée, on se retrouve en plein coeur des thèses complotistes". Et voilà M Denaes qui nous ressort la jeune fille en larmes, décidément bien utile !
Pour faire bonne mesure, cet étrange "médiateur" est allé interroger le tout aussi étrange "directeur de l'Observatoire du complotisme" qui mêle allègrement les opposants à Linky aux zozos qui accusent les avions de ligne d'épandrent des produits chimiques pour nous transformer en "sous-hommes".
Or, en réalité, les opposants aux compteurs communicants ne dénoncent absolument pas un "complot", lequel serait en effet le fruit d'une action souterraine, confidentielle, menée par des forces occultes. Le programme Linky est au contraire tout ce qu'il y a de plus officiel, il se déroule sous nos yeux (et jusque dans nos logements !) et il est promu par des gens parfaitement identifiés : des dirigeants industriels et politiques auxquels ont peut donc ajouter Mme Brunel et MM Colombain, Duvic et Denaes !
On peut d'ailleurs noter que, en dénonçant le complotisme là où il n'est pas, ces journalistes font du complotisme ! Pourquoi vouloir à tout prix déconsidérer les élus lucides et courageux qui refusent les compteurs communicants pour des raisons que l'on peut ne pas partager mais qui sont parfaitement légitimes et rationnelles ?
Le médiateur vient pourtant au secours de cette curieuse façon d'utiliser les antennes du service public, en prétendant que "les propagandistes s'en prennent aux journalistes" et que ceux-ci "font correctement leur travail, enquêtent, interrogent des spécialistes indépendants".
Or, c'est précisément ce qu'ils ne font PAS. Car, avant de porter les pires accusations contre les opposants, les journalistes ne devraient-ils pas enquêter sur les prétendues vertus de ces fameux compteurs ? Pour mémoire, répéter les "éléments de langage" élaborés par les communicants d'ErDF ne suffit pas à agir en journaliste.
Ainsi, M. Colombain affirme gratuitement que Linky va "permettre de faire des économies d'énergie", mais qu'en sait-il ? M. Danaes décrète que Linky doit remplacer "nos vieux compteurs EDF", mais que sait-il de la durée de vie de nos compteurs actuels ? Quant on veut tuer son compteur, on dit qu'il est vieux
Nous pouvons multiplier les exemples d'affirmations contestables d'ErDF pourtant relayées telles quelles par des gens qui ne font pas leur travail (contrairement à le plupart de leurs collègues journalistes), le "meilleur" exemple étant un sidérant article du Monde (6) que l'on croirait rédigé par les communicants d'ErDF. Il y est même suggéré que les opposants ne veulent pas de Linky car il pourrait détecter les puissantes lampes utilisées parait-il pour la culture du cannabis ! Et enfin la conclusion est apportée par le fameux faux-opposant venu de l'UFC-Que choisir, déjà entendu sur France-inter, et qui prétend que ceux qui refusent le compteur Linky... vont se voir couper l'électricité !
Notons enfin que les journalistes cités ci-dessus semblent totalement ignorer que chaque logement est en passe de se voir doté non pas d'un mais de trois compteurs communicants : électricité, gaz, eau. De fait, chacun d'entre nous est totalement concerné par cette affaire, de même que les élus municipaux car les collectivités territoriales, la plupart du temps les communes elles-mêmes, sont propriétaires des compteurs d'électricité et parfois d'autres compteurs.
Il est inacceptable que des "élites" aient décidé que ni les habitants ni leurs élus ne pourraient de prononcer sur ces installations qui doivent pourtant arriver dans chaque logement de chaque commune. Et il est tout aussi inacceptable de passer sous silence les vraies et bonnes raisons de s'opposer aux compteurs communicants, et de tenter de faire passer les opposants pour des illuminés ou des complotistes, alors qu'ils se battent au contraire pour l'intérêt général.
Stéphane Lhomme
Conseiller municipal de Saint-Macaire (Gironde)
Commune ayant refusé les trois programmes de compteurs communicants (électricité, gaz,
eau)
(1) http://refus.linky.gazpar.free.fr
(2) http://www.franceinter.fr/emission-les-legendes-du-web-la-fronde-anti-linky-nouveau-filon-des-complotistes
(3) http://www.franceinfo.fr/emission/nouveau-monde/2015-2016/3-idees-fausses-propos-du-compteur-linky-04-04-2016-07-10
(4) http://www.franceinter.fr/emission-un-jour-en-france-linky-un-compteur-trop-connecte
(5) http://www.franceinfo.fr/emission/le-rendez-vous-du-mediateur/2015-2016/compteur-et-complots-16-04-2016-05-10
et http://mediateur.radiofrance.fr/article-linky-le-compteur-du-complotisme
(6) http://www.lemonde.fr/planete/article/2016/04/07/faut-il-se-mefier-des-compteurs-linky_4898239_3244.html